Dylan
Dubois, donc.
Regarde,
je te fais un raccourci.
Je
ne te parle pas de l'essentiel, pas du tout.
L'histoire,
tu peux lui lire la mise en bouche au cul de la couverture. Une
intro, une mise en jambes. Mais c'est pas l'ossature. Je ne veux pas
te faire l'économie de le lire, ce Dylan Dubois.
Alors
point d'os, d'ossature, de squelette, juste quelques oripeaux.
Quelques à-côté.
(J'espère que Martine Pouchain ne se sentira pas pour autant trahie dans son écriture...)
(J'espère que Martine Pouchain ne se sentira pas pour autant trahie dans son écriture...)
"Le
mercredi et le vendredi, après les cours, on passe des heures au
fond d'un petit bistrot de quartier à jaspiner sans s'apercevoir que
le temps déguerpit. / Une brise à peine palpable donne à l'herbe
encore maquillée de rosée l'apparence d'un tapis mouvant. Le ciel
bleu grisonne un peu vers la ligne d'horizon et la blondeur des
avoines enlace le vert saturé des arbres. Océan végétal avec le
ronflement lointain d'un tracteur pour seule trace de civilisation. /
C'est sa mère qui fait l'omelette. Une femme maigre et sèche à la
peau sculptée par le soleil. Le père est du même acabit en encore
plus fripé, avec en prime de la couperose qui lui allume les
pommettes. / C'est toute sa conversation, et ça me va. "Il va
faire beau aujourd'hui" est à ma mesure. Je n'ai pas envie de
savoir ce que je ferai dans six ans, six mois, six jours, demain.
"Aujourd'hui" me va. / Je marche, et mes problèmes
s'insignifient. Plus rien ne semble réel que mes pas, les muscles de
mes jambes, de mon ventre, de mon dos. Plus rien ne m'importe que le
lent murmure de la Terre : la Mère véritable, celle qui n'abandonne
jamais ses enfants. Je fais halte ici ou là quand je suis fatigué,
quand j'ai faim ou soif. On me donne du pain, des fruits, de l'eau.
Il arrive aussi qu'on ne me donne rien, mais c'est rare. / Mais on
sait ce qu'il en est des mises en garde des parents : on veut se
rendre compte par soi-même, au cas où ils nous escamoteraient un
bout de Paradis. / *Parle si tu as des mots plus forts que le
silence, ou garde le silence. *Euripide / Le silence n'est jamais
silencieux. Il est lourd du chant des oiseaux, et du vent, et du
murmure d'êtres qui furètent, halètent, se fraient des chemins de
lumière. Dans les villes, il est saturé du bruit des moteurs,
klaxons, musiques échappées. La nuit y ajoute celui des téléviseurs
qu'on allume pour régler son compte à l'ennui. Le vrai silence
ressemble à la mort. Le silence qu"on désire bruit toujours. /
Le panorama est à hauteur d'esbroufe : le vert sombre des arbres
dialogue à bouche que veux-tu avec celui, plus tendre, des prairies.
/ Déjà qu'on a du mal à s'entendre dans le bruit de soi-même, si
un autre radine son propre tohu-bohu, c'est le foutoir garanti. / En
fin d'après-midi, un château d'eau chapeauté pointu se dresse sur
l'horizon embouqueté d'arbres . / Les graillements d'une bande de
corneilles venues picorer les sillons voisins me font office de
réveil. Rusty se charge d'enseigner le savoir-dormir à ces
troubliones - il fonce dans le tas, provoquant un envol indigné. /
Un héron vient crever la peau de l'eau en piqué pour lui arracher
un poisson. / Une horde de nuages mijote une action commando et se
serre les volutes pour fomenter un seul nuage verrouillant l'horizon.
Les arbres frissonnent de toutes leurs feuilles, accablés de nuées
d'un gris mortuaire qu'une lueur de soufre contamine. Les bouleaux
entament eux aussi une danse frénétique, heavy métal, livrés à
la colère du vent qui les fouette. / A l'aube, la nature est lavée.
Le végétal exhale des senteurs moites. / *Car il y a des âmes dans
l'air Et des échos d'âmes sur ma page... Dylan Thomas / *N'étant
que des hommes, nous marchions dans les arbres. *Dylan Thomas / J'ai
dormi comme trois loirs, d'un sommeil sans rêve. / *Au commencement
était le mot, le mot Qui des bases solides de la lumière A dérobé
toutes les lettres du vide *Dylan Thomas Non loin sous la futaie, un
cerf brame son mot à lui, guttural, beau à pleurer. Je voudrais que
les heures durent des jours, et c'est pourtant le contraire qui se
passe, la journée file en catimini et l'après-midi déjà
s'estompe. / - C'était quoi ? - Une femelle renard qui prévient ses
petits du danger. - Quel danger ? - Nous. - Vous voulez dire qu'elle
ne crie pas toujours comme ça ? - Non. - Arrêtez-moi si je me
trompe : vous parlez renard ? - On peut dire ça. - Vous voulez me
raconter un truc en renard, Gus ? - Non. Ca risque de perturber cette
petite famille. - Evidemment... / En fait de mise au point, je
gamberge tous azimuts une paire d'heures qui prend ses aises pour
filer sans que j'aie avancé d'un iota dans ma stratégie. / Le soir
dégringole sans sommation."
Dylan
Dubois
Martine Pouchain
Exprim' Sarbacane
Martine Pouchain
Exprim' Sarbacane
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