Il est arrivé à petits pas nus sur le
plancher et il a dit
- J'arrive pas à m'endormir, je peux
venir ?
Il s'est coulé contre mon flanc et il
a dit
- Je peux regarder ? C'est quoi ?
C'est rien que de la poésie ? Je peux lire ? Tu veux bien
que je lise ?
Et il a tourné les pages.
De l'autre côté du sommeil, la Reine
Mère, la mienne, a murmuré
- Tu peux lire à haute voix s'il y a
quelque chose qui te plaît, tu sais.
Et puis elle a ajouté
- Ça fait des milliers d'années que
je ne me suis pas endormie sur une histoire qu'on me lisait...
Il a dit
- Celui-là est bien
Il s'est raclé la gorge, et il a
commencé
« Aujourd'hui, j'ai vu
Un malandrin
Accroché
A la plus haute
Branche
D'un arbre
De vie
Dans la position
Du douzième arcane
Alors, je me suis
Baissée
Pour cueillir
Un bouquet
Et j'ai mangé
Le blanc
Des fleurs de trèfle. »*
Après les fleurs de trèfle, la Reine
Mère ne dormait pas, alors il a continué, page 13, page 14, page
15 , il en a sauté quelques unes, à peine, Le déhanchement du
balancier, Divine flânerie, Un jardin dans la main, … Il s'est
arrêté à Mordre la neige**.
Il a dit
- Je connais ça, mordre la neige. Ah
non, c'est mordre la poussière.
Et il s'est endormi.
J'ai continué, j'aime beaucoup le
poème juste après.
Je t'en glisse le début.
Ça s'appelle La pluie frappe sa
monnaie
« Il arrive que l'on ouvre
Sa petite bourse
De larmes chaudes
Puis qu'on cherche
Une lavette
Pour sécher le comptoir.
Moi j'affronte la chaleur
Tête nue
Et mon chagrin
Exsude par le bras
Que je monte
Inlassablement
Au-dessus
Des yeux mi-clos
De ma caste.
[...] »
Un samedi nuit sur la Terre, avec, au
creux du lit, les poèmes* ** d'Anna de Sandre
Mordre la neige
aux éditions Les carnets du dessert de lune
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